« À chaque mission c’est du 150 % et c’est vraiment ce que j’aime. » Depuis 2018, Patricia Cazier est DAF de transition. Au cours de ses missions, elle s’efforce d’aider les organisations à accepter les mutations économiques et à anticiper celles de demain. Accompagner les équipes dans l’appropriation de la feuille de route, dénouer les irritants du quotidien, conduire des projets de transformation… Le changement fait partie intégrante du quotidien de Patricia Cazier. Quant aux difficultés de recrutement, la balle est dans le camp des entreprises, qui doivent tenir compte de l’évolution du rapport au travail. « Les talents sont là. Ce qui change, c’est le sens que nous donnons au travail. »
Voilà déjà près de 5 ans que vous êtes manager de transition. Qu’appréciez-vous le plus ?
En tant que manager de transition, vous n’avez pas de passé et pas de futur ! Ce que j’apprécie vraiment, c’est d’aider les entreprises dans l’instant présent pour répondre à leurs besoins, tout en pouvant contribuer, le temps de la mission, à construire leur futur dans le cadre de leur stratégie. C’est également un métier qui permet de travailler dans des secteurs très variés. À mon sens, il offre la possibilité de toujours se redécouvrir, d’apprendre à penser différemment et à s’adapter.
En tant que DAF de transition, à quels types de projets de transformation êtes-vous le plus souvent confrontée ?
J’interviens fréquemment dans le cadre de projets de migration ou d’implémentation d’ERP ou de SIRH. Aujourd’hui, nous sommes confrontés au volet règlementaire qui arrive en juillet 2024 avec la mise en place des factures électroniques.
La transformation passe aussi par des projets de création ou de réorganisation de centres de services partagés, que ce soit en comptabilité, en gestion de la paye ou en administration des ventes. Par ailleurs, j’interviens sur des projets d’internalisation ou d’externalisation de certaines fonctions ou encore d’uniformisation et de standardisation des reportings.
Aujourd’hui, l’objectif en tant que manager de transition, c’est d’aller tout le temps vers la simplification, là où nous sommes confrontés de plus en plus à des environnements complexes.
Les entreprises ont beaucoup tardé à transformer, notamment sur volet digital. Aujourd’hui, il y a une accélération et une prise de conscience de ce besoin de se réinventer.
Dans quelle mesure votre métier a-t-il évolué au gré des crises successives que nous traversons depuis 3 ans ?
D’abord, le choc des cultures avec la mise en place du télétravail a été une vraie révolution pour les entreprises. Nous évoluons également vers une économie de plus en plus verte avec une vraie prise de conscience de la RSE. Auparavant il s’agissait plutôt de communication, désormais il existe une réelle volonté de mise en pratique. Cela nécessite de plus en plus d’adaptation, de flexibilité et d’agilité, sans pour autant perdre de vue l’objectif essentiel pour les sociétés, qui est quand même la rentabilité.
Quelques exemples de démarches permettant de réaliser des économies tout en soignant la planète :
- Réduction des espaces de bureaux grâce au télétravail (diminution de la consommation d’énergie),
- Mise en place de politiques zéro papier avec tri des déchets et recyclage,
- Choix de fournisseurs locaux pour favoriser les circuits courts.
Quelle est votre approche pour encadrer et fédérer des équipes pluridisciplinaires ?
Lorsque je démarre une mission en tant que DAF de transition, je me mets en relation avec les équipes afin d’appréhender très rapidement la culture d’entreprise. Il s’agit d’être avec les opérationnels pour vivre leur quotidien. Cela permet d’établir une feuille de route commune qui est transversale et dans laquelle chacune des parties prenantes s’implique, collabore et s’approprie les différents objectifs. C’est ainsi que nous pouvons définir les moyens à mettre en place pour les atteindre. C’est ensemble que nous trouvons des solutions pour améliorer le fonctionnement présent et à venir.
Quand les collaborateurs s’approprient vraiment la feuille de route, on observe une puissance exponentielle dans son exécution.
Je recherche également très vite les quick win à mettre en place pour favoriser la collaboration ou encore lever les petits irritants du quotidien et augmenter ainsi la qualité de vie au travail.
Il existe une pénurie de talents dans les métiers du chiffre. Selon vous, quels sont les meilleurs leviers à activer pour y remédier ?
Les talents sont là. Ce qui change, c’est le sens que nous donnons au travail. Avant, le but du travail, c’était la vie professionnelle, réussir et faire carrière dans un groupe. Aujourd’hui, on se rend compte que le but de cette vie professionnelle est avant tout de se faire plaisir. Les fiches de poste à rallonge où l’on recherche le cinquième élément font fuir les candidats, c’est évident. On commence à observer une vraie évolution culturelle dans tout le processus d’embauche. La GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) est un vrai enjeu pour retenir les talents.
Aujourd’hui, on a beaucoup de générations qui s’entrecroisent les unes avec les autres. Il faut parvenir à mettre du liant entre toutes ces générations de façon à ce qu’il n’y ait pas de cassure ou de césure entre elles.
Pour attirer et garder les talents, les leviers sont nombreux : transparence, équilibre vie privée/vie professionnelle, reconnaissance, confiance… Je pars du principe que c’est la culture du résultat qui prime et non pas les heures de présence. Si un collaborateur est présent de huit heures du matin à huit heures du soir mais n’est pas du tout productif, cela ne sert à rien. La logique est gagnant-gagnant. Un salarié peut être présent 4 jours sur 5 mais être particulièrement productif parce qu’il sait qu’il va pouvoir consacrer sa cinquième journée à une association qui lui tient à cœur.
Il faut être proche des collaborateurs, les écouter, être alerte aux signaux faibles pour être sûr de ne pas les perdre. Il faut aussi leur donner du sens, qu’ils se fassent plaisir et sentent qu’ils sont là non pas simplement pour travailler mais pour apporter quelque chose.
Pour vous, quels principaux défis devront relever les DAF de demain ?
Je ne peux pas m’empêcher de penser à Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes, avec cette lutte pour survivre dans un nouveau monde industriel. Depuis, nous somme passés dans le monde des services et, plus récemment, dans celui de l’IA. Les métiers ont évolué dans le passé, évoluent et continueront d’évoluer. Les millennials, première génération profondément ancrée dans la technologie numérique, sont là pour nous le rappeler quotidiennement.
Le DAF doit vraiment apprendre à se remettre en question, à penser différemment et à sortir de sa zone de confort. Parce que les métiers tendent à se complexifier, il est nécessaire de donner à nos jeunes cette culture de la recherche, de l’amélioration et du grand bon sens.