Dans un contexte de hausse des risques de défaillances d’entreprises, les dirigeants sont contraints de toujours mieux anticiper d’éventuelles situations de crise. Avec plus de 8 200 dossiers ouverts par les tribunaux de commerce ou tribunaux judiciaires en 2023, le recours aux procédures amiables tend à se démocratiser. Lors de la 6ème édition du Sommet Restructuration & Transformation, dont Valtus était partenaire, Lionel Gouget participait à une table ronde dédiée à l’amiable en tant qu’outil de prévention.
L’amiable, « un magnifique outil de protection »
Les dirigeants d’entreprises sont de plus en plus sensibilisés à la nécessité d’anticiper et à la possibilité se tourner vers le Tribunal de Commerce pour entamer des discussions amiables, encadrées judiciairement. Depuis plusieurs années, le recours à l’amiable progresse, notamment la part des conciliations (42 % en 2023 versus 23 % en 2019).
Deux types de procédures amiables, permettant d’engager des négociations confidentielles avec les créanciers, coexistent à ce jour :
- le mandat ad hoc, créé en 1994,
- la conciliation, créée en 2005.
Près de 80 % de ces procédures aboutissent de manière favorable.
« Pour l’entreprise, l’amiable est un magnifique outil de protection. L’amiable, c’est le temps de l’anticipation, de la prévention et c’est effectivement tout le temps nécessaire pour recréer un écosystème autour de l’entreprise en difficulté et de mettre en place tous les leviers opérationnels, stratégiques, financiers, etc. », explique Lionel Gouget, Partner Valtus.
Mise en œuvre d’une procédure amiable
Pour solliciter l’ouverture d’une procédure amiable, l’entreprise doit respecter certaines conditions :
- absence de conciliation au cours des 3 derniers mois,
- absence de cessation de paiements depuis plus de 45 jours,
- existence de difficultés avérées ou prévisibles.
Il revient au juge de déterminer si l’amiable est encore un choix légitime. La mise en œuvre d’une procédure vise à aboutir à une restructuration afin de renouer avec la profitabilité de manière pérenne. Cela suppose de réaliser une étude stratégique ainsi qu’un business plan d’exploitation et de trésorerie. Ainsi, il ne s’agit pas simplement de restructurer la dette.
« Le temps de l’anticipation »
Pour Lionel Gouget, lors de la mise en œuvre d’une procédure amiable, l’entreprise doit s’interroger sur sa stratégie, établir un plan d’action pour sortir de la difficulté et définir ses besoins de trésorerie et de refinancement :
« Est-ce que l’on réalise un carve out ? Faut-il prévoir un PSE ? S’agit-il de faire de la new monnaie ? La mise en place d’un plan stratégique en amont ou lors de la procédure amiable est indispensable. Le fait d’être en amiable permet de réfléchir à la suite de manière posée. Cette procédure vient effectivement alléger le fardeau et la relation compliquée avec certains créanciers. »
Cette phase essentielle permet également de « commencer à préparer tous les leviers opérationnels pour accompagner au mieux soit un redressement économique positif, soit un atterrissage le moins douloureux possible ». « Durant cette phase charnière, l’administrateur judiciaire va agir en tant qu’arbitre complémentaire et créer une zone de dialogue », précise Lionel Gouget.
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Des barrières restent à lever
Freins psychologiques, manque d’anticipation, crainte du tribunal et méconnaissance des procédures préventives… Les intervenants de la table ronde ont identifié plusieurs obstacles au recours ou bon déroulement d’une procédure amiable.
D’après Lionel Gouget, le facteur psychologique demeure omniprésent :
« De nombreux actionnaires et dirigeants hésitent fortement à se déclarer en difficulté, notamment par crainte du regard social et familial. L’aspect psychologique peut entraîner un effet tétanisant extrêmement bloquant. »
Par ailleurs, l’absence de cap ainsi qu’une réaction trop tardive face aux difficultés rencontrées peuvent limiter la possibilité pour l’entreprise de recourir à l’amiable ou encore réduire les chances d’issue positive.
« Le fait de ne pas avoir mis en place les leviers ou les indicateurs courts, et notamment la trésorerie, à la fois la trésorerie longue mais également la déclinaison en trésorerie courte, expose l’entreprise à une accélération de la crise », explique Lionel Gouget. Et de conclure qu’il faut savoir « fixer le cap, déterminer les indicateurs de navigation, alléger rapidement le bateau et ajuster la voilure ».
La confiance, clé de voûte des procédures amiables
« Entre les fournisseurs qui veulent se faire payer plus tôt et les clients qui peuvent avoir de la défiance, il est indispensable de restaurer la confiance », affirme Lionel Gouget. Le succès des procédures amiables repose en effet fortement sur l’aptitude de l’entreprise à rétablir et maintenir cette confiance.
« La confiance se construit en interne, avec les partenaires sociaux, les employés et le CODIR, ainsi qu’en externe avec l’ensemble des partenaires, qu’ils soient bancaires, créanciers, actionnaires, etc. »
Parce que la « gestion de crise est un métier à part entière qui s’apprend généralement sur le tas », il convient souvent de « faire monter à bord des marins aguerris », souligne Lionel Gouget. Pour affronter la tempête et préparer l’avenir, il est essentiel de pouvoir travailler avec « des gens complètement alignés ».
Intervenants de la table ronde “Prévention : l’amiable comme meilleur outil d’anticipation des difficultés”
- Jacques Fineschi, Délégué général à la prévention, Tribunal de commerce de Nanterre
- Nicolas de Germay, Président de l’association des investisseurs en retournement, Associé, Alandia Industries
- Lionel Gouget, Partner, Valtus
- Lionel Lamoure, Avocat associé, Lamoure Rivals
- René Ricol, Président, Ricol Lassteyrie Conseil