PORTRAIT DE CLARISSE PUHARRÉ, MANAGER DE TRANSITION

Clarisse Puharé
09 Juin 2022

Rencontre avec Clarisse Puharré, une femme avec une personnalité riche et intéressante. Elle mène de front des missions de manager de transition en tant que Directrice financière et vie de famille avec ses 3 enfants, tout en pratiquant l’Aviron : sport dans lequel elle se classe 4ème championne de France !

Après avoir passé 12 ans dans les grands cabinets d’audit et de conseil – Bossard Gemini consulting, puis KPMG en France à l’international – Clarisse Puharré a rejoint des grands groupes en tant que Responsable Audit puis Directeur Administratif et Financier. Depuis 6 ans, elle est manager de transition, spécialisée dans la transformation et les directions financières des entreprises sous LBO ; elle s’épanouit pleinement dans ce métier.

Quels sont les types de problématiques auxquelles vous êtes confrontées dans le cadre des missions que vous réalisez en tant que DAF ?

Clarisse Puharré : Les thématiques que je gère sont proches de celles que j’ai pu traiter quand j’étais dans les grands cabinets de conseil en tant que directeur.  En revanche, l’expérience est primordiale pour répondre aux situations de crise auquel il est confronté le manager de transition.

Je constate que depuis quelques années, la mondialisation, la crise et l’afflux de liquidités, ont poussé de grands sujets de transformation dans les entreprises, particulièrement dans les directions financières ;

  • Des entreprises passant sous LBO avec l’entrée des fonds d’investissement ? Alors on fait appel à un DAF pour développer la transformation financière, dans le but d’assurer la rentabilité et la profitabilité.
  • Le départ d’un DAF ? Il faut alors reprendre les rênes le temps d’une embauche.
  • Une fusion-acquisition a lieu ? Il s’agit d’assurer une bonne intégration, surtout en cas de départ de certains personnels.
  • Des projets informatiques financiers ? Il faut mener le projet humainement et techniquement sur l’ensemble des sociétés du Groupe.

Le DAF de transition est donc au cœur des préoccupations.

Est-ce-que la crise sanitaire a accéléré les transformations au sein des entreprises, notamment sur la fonction Finance ?

Il y a maintenant plusieurs décennies, les transformations ont démarré par les CSP (Centre de Services Partagés) comptables et financiers qui ont été déportés en Inde ou en Europe de l’Est. J’ai réalisé dans le passé ce type de mission de transformation pour une filiale d’un Groupe coté, avec le déploiement d’un CSP en région concomitamment à la mise en place de SAP ; ce sont des missions compliquées humainement à mener avec des nouveaux processus, de nouvelles règles de gestion et d’organisation à inventer et à déployer.

Aujourd’hui, la crise du COVID-19 a poussé les organisations à de nouveaux cadres de management et de travail avec l’utilisation des outils mobiles et digitalisés de la supply chain à la finance que ce soit pour des grands groupes ou des sociétés plus petites. Pendant le confinement, il a fallu maintenir et gagner en productivité, les investissements retardés ont dû être réalisés avec l’achat de PC et de téléphones portables, d’outil de connexion à distance (Teams, Zoom…), de partage des plannings et de la coordination. La crise a forcé certaines entreprises à ce type d’organisation, d’autres avaient déjà enclenché ces démarches, et cela les a renforcées.

Je pense que cette transformation et l’intégration du télétravail avec une organisation plus souple et volante s’est accélérée et se poursuivra dans les prochaines années.

L’informatisation puis la dématérialisation financière est aussi un élément de création de valeur. Nous sommes passés à des outils centralisés du type SAP ou Oracle, vers des logiciels financiers utilisables via des téléphones mobiles. Au sein des PME en particulier, on regarde davantage ces nouveaux outils faciles à mettre en place et à un prix abordable. Concrètement, une facture dématérialisée ou scannée avec un téléphone portable est comptabilisée automatiquement.  Le comptable est délesté de la saisie pour se concentrer sur le contrôle et l’analyse ; Le DAF de demain aura à mener le changement auprès des équipes et du CODIR/COMEX !

Est-ce que le facteur humain est un facteur important pour votre métier de DAF ou dans les problématiques que vous adressez ?

Aujourd’hui l’humain, c’est primordial !

On me demandait dernièrement si la gestion des équipes financières était plus compliquée pour un DAF de transition que pour un DAF en poste ; Je pense qu’au contraire c’est bien plus facile car je ne suis pas amenée à rester durablement dans l’entreprise. Je ne m’occupe pas de l’antériorité et il m’est plus aisé ainsi pour mener le changement ; Je peux aborder les sujets d’évolution sereinement et lancer les projets de transformation : évolution du reporting, mise en place de comptabilité analytique…

En transition, il est donc plus simple de défaire les nœuds et c’est par conséquent un atout pour la réussite des projets confiés par les Directions Générales.

L’humain et les relations humaines apportent leurs lots de surprises ! Pour les gérer, j’organise de manière très opérationnelle, des réunions toutes les semaines avec les équipes ; trimestriellement je les rencontre physiquement pour échanger sur l’actualité et les pratiques ; c’est un moment convivial pour faire passer les messages. Je peux être amenée à les rencontrer individuellement quand c’est nécessaire.

Est-ce que vous êtes aujourd’hui surprise par la façon dont les entreprises, et plus globalement l’économie française, ont réussi à surmonter la crise sanitaire ?

On peut sans aucun doute saluer le travail du gouvernement et de l’Europe ! D’un point de vue macro-économique, je crois que toutes ses mesures prises rapidement ont permises de sauver à court terme les entreprises ! DAF de deux sociétés différentes sous LBO durant cette période, ces deux dernières ont bénéficié du PGE (Prêts Garanti par l’Etat). Nous avons aussi pleinement profité des décalages de paiement de crédit-baux et des charges sociales. Cela a été une sacrée bouffée d’oxygène !

La reprise économique a été bien présente en 2021 / 2022 : la baisse du chômage, la hausse de la consommation mondiale et le retour vers une économie européenne ; C’est sans doute lié à la Chine qui reconfine à nouveau. La surchauffe que nous observons depuis un an pourrait diminuer et l’activité revenir à la normale en 2023.

En cette période « Post-COVID », dans l’entreprise pour laquelle je travaille, les résultats financiers démontrent une excellente reprise de l’activité : les usines tournent à plus de 100% mais nous sommes contraints maintenant par les approvisionnements et la hausse de l’énergie ; d’un côté les grands donneurs d’ordres nous passent énormément de commandes, de l’autre, nous devons gérer les pénuries de matières premières et les délais de production des usines.  Nous sommes vigilants à préserver nos marges et nous nous adaptons ; de plus nous sommes chanceux, nous ne rencontrons pas de difficultés liées à la crise Ukrainienne, mais nous restons extrêmement vigilants.

Aujourd’hui, en France, il est temps de rembourser les aides de l’état (PGE) ; certaines sociétés vont rencontrer des difficultés, voire s’écrouler, et cela créera des opportunités sur le marché.  En tant que DAF, l’objectif de toute entreprise est de maintenir ses fondamentaux et se développer tout en s’organisant afin de saisir les opportunités… car elles ne se présentent jamais deux fois !

Vous êtes manager de transition depuis 6 ans, qu’est-ce-qui vous anime au quotidien ?

C’est un métier qui m’apporte une grande liberté, la rencontre de personnalité, de créateurs d’entreprise, et me permet de réaliser de projets variés, ambitieux et concrets sur une période courte, variant de 7 à 18 mois : mise en place de factor, renégociation de dette, développement du BI, rachat de société.

  • Être manager de transition, c’est faire régulièrement les 100 jours du dirigeant ! On doit rapidement mettre en place des quick wins… C’est un métier sur lequel vous êtes constamment sur la ligne de crête : aller vite, comprendre les enjeux, trouver des alliés, dénouer les nœuds, gagner la confiance des dirigeants… On est comme un sportif de haut niveau !
  • Être manager de transition, c’est aussi la liberté de choisir sa mission mais aussi de gérer les inter contrats. Je ne prends pas le risque de m’engager sur des missions à faible valeur ajoutée et de « crise extrême », type restructuration. J’essaye de capitaliser les expériences et de réaliser des missions apprenantes car toute la difficulté du statut réside au maintien à un niveau élevé de compétences.
  • Être manager de transition, c’est accepter d’être à l’intérieur de l’entreprise avec un management d’équipe, tout en étant externe. Concrètement, vous ne bénéficiez pas des avantages et encore moins des « stock option » !
  • Être manager de transition, c’est être aussi accompagnée par un cabinet qui vous conduit, vous aide à prendre du recul sur des problématiques et vous apporte la méthodologie pour mener à bien les missions.

Pour le moment, être manager de transition me permet de maintenir mon équilibre vie professionnelle/personnelle. Je ne ressens pas le besoin de « poser mes valises quelque part » !

Comment percevez-vous l’évolution du marché du management de transition ?

Le marché du management de transition est porteur !  Il est en mutation avec probablement beaucoup de nouveaux entrants ! Je pense que le marché va s’équilibrer et resteront ceux qui font preuve de professionnalisme vis-à-vis du client et du manager de transition.

Le marché de transition ou d’indépendant est développé en Angleterre ou aux États-Unis. En France, c’est une tendance qui s’amplifie tout autant chez les jeunes que sur la tranche d’âge des plus de 50 ans : un mélange s’opère. Une carrière rectiligne est devenue compliquée et ce n’est plus le slogan dans les grandes écoles : on développe aux étudiants l’esprit d’entreprise ; Ils partent étudier à l’étranger en double cursus. Ils deviennent mobiles géographiquement et d’une entreprise à l’autre.

J’ai moi-même vécu cette mue autrefois en étudiant la finance en Allemagne et en travaillant à l’international. On devient ainsi adaptable et agile intellectuellement. Il est un fait que le manager de transition doit être curieux, solide et souple.

Se juxtaposent aux transformations des entreprises, aux évolutions du marché, les difficultés de recrutement dans certaines professions : auditeurs, responsables comptables et financiers, informaticiens… créant ainsi de réelles opportunités pour commencer l’expérience de manager de transition !

NEWSLETTER