Tensions et risques géopolitiques : quels impacts sur les supply chains et les entreprises exportatrices ?

Entreprises exportatrices - Valtus
16 Jan 2025

 

Dans un contexte mondial marqué par une instabilité croissante, les entreprises exportatrices se retrouvent en première ligne face à des défis majeurs. Des conflits armés en Ukraine et au Moyen-Orient aux tensions commerciales internationales, en passant par les crises maritimes dans des zones stratégiques comme la mer Rouge, les perturbations géopolitiques bouleversent les équilibres économiques établis.

Au-delà des crises immédiates, des transformations structurelles redessinent la géographie économique mondiale : montée du protectionnisme, fragmentation des alliances commerciales et émergence de nouvelles dynamiques d’échanges internationaux. Ces bouleversements imposent aux entreprises de repenser leurs stratégies pour naviguer dans un environnement toujours plus incertain.

 

1. Un paysage géopolitique en pleine reconfiguration

Le commerce mondial connaît une mutation structurelle sans précédent, sous l’effet de tensions géopolitiques majeures et de stratégies économiques inédites. Ces bouleversements, nourris par des conflits complexes et des reconfigurations des alliances commerciales, sont en train de redéfinir en profondeur les dynamiques des échanges internationaux.

 

Conflits géopolitiques et nouvelles alliances

Le commerce mondial est directement affecté par des crises géopolitiques de grande ampleur. La guerre en Ukraine a conduit l’Europe à une reconfiguration énergétique historique : en Allemagne, les importations de gaz russe sont passées de 35 % des besoins nationaux début 2022 à moins de 1 % en 2023¹.

Parallèlement, la crise en Mer Rouge, déclenchée en décembre 2023, perturbe les routes maritimes stratégiques, augmentant les coûts logistiques et provoquant des retards de livraison aux conséquences économiques majeures².

Dans le même temps, la multiplication des tensions au Moyen-Orient amplifient l’incertitude, tandis que les rivalités croissantes entre grandes puissances imposent aux entreprises des ajustements rapides de leurs chaînes d’approvisionnement.

 

Fragmentation commerciale et nouvelles stratégies

Face à ces bouleversements, les États et les entreprises adoptent des stratégies pour réduire leur vulnérabilité, notamment à travers le friend-shoring, qui privilégie des partenaires commerciaux politiquement alignés. Entre 2017 et 2023, les États-Unis ont réduit de 10 % la distance géopolitique moyenne de leurs échanges, en augmentant leurs importations depuis des pays comme le Mexique et le Vietnam¹.
La montée du protectionnisme illustre également cette fragmentation. En 2023, plus de 3 000 nouvelles restrictions commerciales ont été mises en place à l’échelle mondiale, contre seulement 650 en 2017, confirmant un repli vers des alliances régionales et des partenariats sécurisés¹ ³.

 

Régionalisation croissante des échanges commerciaux

Le déclin des relations commerciales entre zones économiques opposées est frappant. Les échanges entre l’Union européenne et la Russie ont chuté de 80 % entre 2022 et 2023, illustrant la recomposition des flux mondiaux¹ ².

Dans ce contexte, des régions comme l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine renforcent leur attractivité. L’ASEAN bénéficie d’investissements chinois de grande ampleur, consolidant son rôle dans les chaînes d’approvisionnement mondiales⁴. En Amérique latine, des pays comme le Mexique et le Brésil capitalisent sur leur proximité avec le marché nord-américain et leurs avantages compétitifs³.

 

2. Quels impacts pour les entreprises exportatrices ?

Risques et obstacles majeurs

Pour les exportateurs, les défis sont nombreux. Les délais de paiement, cités comme problématiques par 42 % des entreprises⁴, constituent une menace directe pour la trésorerie et la stabilité financière. Cette fragilité est aggravée par une hausse estimée des défaillances d’entreprises de +9 % en 2024⁴ et ce à l’échelle mondiale.

La concentration des chaînes d’approvisionnement est une autre source de vulnérabilité. Près de 40 % des échanges de produits stratégiques, tels que les composants électroniques et les terres rares, se font entre partenaires géopolitiquement distants, exposant les entreprises aux interruptions des flux¹.

Enfin, l’accès à des marchés hors Union européenne reste complexe, avec des réglementations souvent plus contraignantes, qui freinent l’expansion des PME et ETI.

 

Opportunités dans un monde en mutation

Malgré ces défis, de nouvelles opportunités se dessinent. Les ETI françaises, par exemple, tirent parti de leur capacité d’adaptation : celles qui exportent régulièrement affichent une croissance de chiffre d’affaires de +1,6 % en 2023, contre une quasi-stagnation pour les non-exportatrices⁵.

Les perspectives de rebond du commerce mondial, avec une croissance prévue de +2,8 % en 2024, renforcent cette dynamique⁴. Les énergies renouvelables et les technologies vertes émergent comme des secteurs stratégiques, soutenus par des investissements massifs dans des infrastructures durables⁴.

 

3. Comment s’adapter à un environnement incertain ?

Stratégies pour limiter les vulnérabilités

Les entreprises doivent agir sur plusieurs fronts pour s’adapter. La diversification des partenaires commerciaux est essentielle pour réduire la dépendance à des fournisseurs uniques, notamment pour les produits critiques comme les terres rares. Parallèlement, 53 % des entreprises exportatrices envisagent une relocalisation partielle de leurs chaînes d’approvisionnement, notamment vers des zones géopolitiquement alignées⁴.

Pour gérer la volatilité financière, des solutions comme l’assurance-crédit ou le développement de scénarios prospectifs permettent d’anticiper les risques liés aux délais de paiement et aux défaillances d’entreprises⁴.

 

Rôle des ETI dans la résilience économique

Les ETI, grâce à leur flexibilité et leur capacité d’innovation, jouent un rôle clé dans cette adaptation. Selon le baromètre du METI, 41 % des ETI exportatrices sont considérées comme innovantes, ce qui leur permet de se positionner sur des marchés porteurs, même dans un contexte incertain.

Pour réussir cette transition, les entreprises peuvent s’appuyer sur des expertises externes, comme le management de transition, qui offrent des solutions concrètes pour surmonter les crises et optimiser leurs stratégies d’internationalisation.

 

Conclusion

À l’heure d’une mutation géopolitique accélérée, les entreprises exportatrices doivent conjuguer anticipation des risques et adaptation stratégique. Les défis liés au protectionnisme et aux tensions internationales sont réels, mais des opportunités existent pour celles capables de diversifier leurs marchés et d’innover.

Les ETI, grâce à leur agilité, apparaissent comme des piliers de résilience économique. En s’entourant des bonnes expertises et en adoptant une approche proactive, les entreprises exportatrices peuvent transformer les bouleversements géopolitiques en atouts stratégiques durables.

 

Sources
1. McKinsey Global Institute; Geopolitics and the geometry of global trade – 17 janvier 2024
2. Direction générale du Trésor ; Perspectives mondiales à l’automne 2024 : Entre assouplissement monétaire et tensions géopolitiques – 19 septembre 2024
3. Coface; Un village moins global ? Le commerce mondial à l’ère de la fragmentation géopolitique – 01 octobre 2024
4. Allianz Trade Global Survey – 14 mai 2024
5. METI; Baromètre des dynamiques internationales des ETI – mars 2024

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