Défaillances d’entreprises en 2024 : analyse d’une année charnière pour l’économie française

VALTUS - Les défaillances d'entreprises en France en 2024
26 Nov 2024

 

En 2024, la France connaît un nombre record de défaillances d’entreprises, un niveau jamais vu depuis plus de dix ans. Initié par la fin des dispositifs de soutien post-crise sanitaire, ce phénomène s’est accéléré en 2023 et continue de se renforcer. Les très petites entreprises (TPE) sont les premières touchées, mais les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) subissent également cette crise de plein fouet. Certains secteurs, comme l’immobilier, la construction et le transport, sont particulièrement affectés, tandis que d’autres, comme le commerce alimentaire, font preuve de plus de résilience. Cette situation exige une analyse approfondie pour comprendre l’ampleur des défaillances, identifier les secteurs les plus exposés, et explorer les solutions envisageables.

 

“Les sociétés sont en constante transformation. Le contexte actuel accentue la nécessité pour les entreprises d’être particulièrement attentives à leur propre évolution afin de s’adapter aux mutations de leur environnement économique.”
Thierry Butlewski, Associate Partner

 

Record historique des défaillances d’entreprises en France en 2024

L’année 2024 marque un tournant pour l’économie française, avec un niveau de défaillances d’entreprises sans précédent. À la fin septembre, plus de 66 000 défaillances ont été enregistrées sur douze mois, dépassant les sommets des crises financières de 2009 et 2014. Au-delà des frontières de l’Hexgone, la tendance se reflète à travers l’Europe, avec une augmentation de 24% des défaillances de 2022 à 2023 en moyenne annuelle.

L’arrêt des aides post-COVID a joué un rôle important dans cette recrudescence, particulièrement visible au troisième trimestre 2024, avec 13 429 défaillances, soit une hausse de 20,1 % par rapport à 2023. Les chiffres montrent une augmentation continue : 33 493 entreprises ont fait faillite au premier semestre 2024, soit 18 % de plus qu’en 2023, et 64,5 % de plus qu’en 2022.

Ce phénomène dépasse largement les niveaux prépandémiques, où l’on comptait environ 14 500 défaillances sur les mêmes périodes en 2018 et 2019. Le nombre d’emplois menacés est également en hausse, avec plus de 52 000 postes à risque au troisième trimestre 2024.
Sur le plan géographique, la Bretagne et la Normandie connaissent une flambée des faillites, avec des hausses annuelles respectives de 38,3 % et 32 %.

En 2024, l’économie française se trouve dans une situation critique, où la barre des 70 000 défaillances pourrait être franchie d’ici la fin de l’année.

 

Les secteurs économiques face aux défaillances en 2024

La vague de défaillances de 2024 affecte les secteurs économiques de manière inégale. Les TPE, notamment, paient un lourd tribut : 86 % des faillites concernent des entreprises de moins de cinq salariés, dont 73 % aboutissent à une liquidation directe, faute de solutions de redressement.

Parmi les secteurs les plus touchés, l’immobilier connaît une hausse vertigineuse de 85 % des défaillances pour les promoteurs immobiliers et de 30 % pour les agences. L’augmentation des coûts de construction et des taux d’intérêt pèse lourdement sur ce secteur.

La construction est également en difficulté, avec une hausse des défaillances de 26 %. Certaines branches, comme la maçonnerie (+36 %) ou le revêtement des sols (+65 %), sont particulièrement affectées.

Dans le transport et l’entreposage, le nombre de faillites a bondi de 39 %, notamment dans le transport routier de fret, où les défaillances augmentent de 27 % pour le transport de proximité et de 47 % pour l’interurbain.

Le secteur informatique, pourtant clé pour la transformation numérique, n’est pas épargné, avec une hausse de 60 % des défaillances en 2024.

Toutefois, certains secteurs montrent une relative stabilité. Le commerce alimentaire enregistre une baisse de 7 % des défaillances, avec des segments comme les primeurs en nette amélioration (-27 %). D’autres secteurs comme la parfumerie (-12 %) et l’optique (-9 %) résistent également mieux à la crise.

 

Quelles sont les principales causes de la vague de défaillances d’entreprises en 2024 ?

L’augmentation des défaillances en 2024 est le résultat de plusieurs facteurs combinés. D’abord, les crises économiques récentes, notamment la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine, ont laissé des séquelles profondes sur le tissu entrepreneurial. Bien que les aides d’urgence aient permis à certaines entreprises de survivre, leur suppression en 2023 a provoqué un choc brutal, mettant à nu les fragilités accumulées.

L’inflation persistante et la hausse des coûts, en particulier de l’énergie et des matières premières, ont fortement impacté des secteurs comme la construction. Les entreprises, incapables de répercuter ces hausses sur leurs clients en raison de la baisse du pouvoir d’achat, ont vu leurs marges se réduire, compromettant leur trésorerie. De plus, la montée des taux d’intérêt a freiné les investissements, notamment dans l’immobilier.

Enfin, la pression fiscale et sociale accrue, avec la reprise des recouvrements forcés par l’Urssaf, a exacerbé la situation.

 

Mesures de prévention et solutions pour limiter les risques de défaillances

Pour réduire les risques, il est indispensable pour les entreprises d’adopter des stratégies préventives. Parmi les solutions les plus efficaces, le recours aux procédures amiables, comme la conciliation ou le mandat ad hoc, s’est largement démocratisé. En 2023, plus de 8 200 dossiers ont été ouverts, permettant aux entreprises en difficulté de négocier avec leurs créanciers et d’éviter la liquidation immédiate.

« Pour l’entreprise, l’amiable est un magnifique outil de protection. C’est le temps de l’anticipation et de la prévention, qui permet de recréer un écosystème favorable autour de l’entreprise en difficulté, en activant les leviers opérationnels, stratégiques et financiers nécessaires », souligne Lionel Gouget, Partner Valtus. Il insiste également sur l’importance de la confiance dans le succès de ces procédures : « Entre les fournisseurs, qui veulent être payés plus tôt, et les clients, qui peuvent devenir méfiants, il est indispensable de restaurer la confiance. Cela passe par un travail en interne avec les partenaires sociaux et les équipes, ainsi qu’en externe avec les créanciers, actionnaires et autres partenaires. »

Les managers de transition, spécialistes de la gestion de crise, jouent un rôle clé dans ce processus. Leur expertise permet de stabiliser l’entreprise, d’optimiser la gestion de trésorerie et de restructurer efficacement les opérations.

Enfin, la gestion rigoureuse des liquidités et des créances est essentielle pour éviter les goulets d’étranglement financiers. Anticiper les tensions de trésorerie et recouvrer les créances à temps sont des pratiques déterminantes pour renforcer la résilience des entreprises et leur capacité à surmonter les crises.

 

Conclusion

La vague de défaillances d’entreprises que traverse la France en 2024 met en lumière une réalité économique complexe, où les fragilités structurelles, longtemps masquées par les dispositifs d’aides, se révèlent au grand jour. Ce contexte illustre l’urgence de revoir non seulement les mécanismes de soutien aux entreprises, mais aussi la manière dont celles-ci anticipent et gèrent les crises.

L’un des enseignements clés de cette crise est que la prévention et l’anticipation deviennent des outils stratégiques indispensables à la survie des entreprises, quel que soit leur secteur ou leur taille. Le recours accru aux procédures amiables et à des solutions comme le mandat ad hoc témoigne de l’importance de ces leviers, mais aussi du besoin de changer de paradigme. Attendre d’être en difficulté pour réagir n’est plus une option viable ; les entreprises doivent, au contraire, adopter des stratégies proactives, renforcer leur gouvernance et se doter d’une résilience structurelle, notamment en matière de gestion de trésorerie et de relations avec les créanciers.

L’enjeu dépasse la simple réduction du nombre de faillites. Il s’agit d’accompagner les entreprises dans une transformation plus profonde, où la flexibilité, la capacité à innover, et l’adaptabilité aux bouleversements économiques deviennent les nouveaux piliers de la pérennité. Les secteurs qui montrent des signes de résilience, comme le commerce alimentaire ou l’optique, en sont un bon exemple : leur aptitude à s’adapter aux nouvelles conditions du marché prouve que l’agilité est un facteur clé de succès dans un environnement économique incertain.

La situation actuelle doit ainsi être considérée non seulement comme une alerte, mais aussi comme une opportunité de transformation pour les entreprises françaises. Celles qui parviendront à évoluer et à s’outiller face aux défis à venir pourront non seulement survivre, mais prospérer dans un contexte économique où la seule constante semble être le changement.

 

Sources :

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