Depuis 2019, la productivité du travail en France connaît une baisse notable, posant des enjeux importants pour l’économie nationale. Parmi les facteurs qui entravent cette évolution figurent l’impact de la pandémie, les changements structurels du marché du travail, les défis du recrutement et l’essor des nouvelles technologies. Une analyse des multiples facettes de ce phénomène montre que des stratégies innovantes et des politiques bien calibrées pourraient inverser cette tendance et renforcer la compétitivité de la France sur la scène mondiale.
La mesure de la productivité du travail
La productivité se révèle être un indicateur clé de la performance économique, tant à l’échelle nationale que sectorielle. Elle se mesure généralement par la production réalisée par heure travaillée ou par employé. Concrètement, elle se calcule en divisant la production totale (comme le PIB ou la valeur ajoutée) par le nombre total d’heures travaillées ou d’employés. Par exemple, si une entreprise fabrique 1 000 unités en une semaine avec 100 heures de travail, sa productivité s’établit à 10 unités par heure travaillée.
Parmi les différentes métriques utilisées pour évaluer la productivité, le Produit Intérieur Brut (PIB) et la valeur ajoutée sont couramment utilisés.
- Le PIB mesure la valeur totale de tous les biens et services produits dans une économie.
- La valeur ajoutée capture la richesse créée par chaque segment de production en soustrayant les coûts des intrants.
Ces indicateurs sont essentiels pour évaluer la croissance économique et l’efficacité des processus de production. La productivité est indispensable, car elle reflète non seulement la génération de richesse, mais aussi l’efficacité et la compétitivité d’une économie à l’échelle mondiale.
La productivité en décrochage depuis 2019
Depuis 2019, la productivité du travail en France a enregistré une baisse notable. Dans son bulletin 251/1 de mars – avril (« Comment expliquer les pertes de productivité observées depuis la période pré-Covid ? »), la Banque de France souligne une diminution de 8,5 % par rapport à la tendance pré-Covid. Plusieurs facteurs clés expliquent cette baisse.
Les facteurs clés durables de baisse de productivité
Les causes durables de la baisse de productivité du travail en France sont multiples :
- Le recours massif à l’apprentissage
Depuis fin 2019, l’augmentation de l’emploi en apprentissage a contribué à une baisse de productivité de 1,2 point de pourcentage (pp). Ce phénomène s’explique par le dispositif d’apprentissage qui réduit le coût salarial unitaire, stimulant ainsi l’emploi total. Toutefois, la productivité des apprentis reste inférieure à celle des salariés rémunérés au Smic. - Une composition de la main-d’œuvre moins qualifiée
Le dynamisme de l’emploi en France a entraîné l’intégration sur le marché du travail de personnes moins qualifiées et de personnes longtemps écartées de l’emploi, entraînant une perte de productivité de 1,4 pp. Bien que positive pour l’emploi global, cette intégration se traduit initialement par une productivité moindre. - Les effets durables de la crise Covid
Les confinements et la crise sanitaire ont eu un impact durable sur la productivité, estimé à 0,4 pp. Les interruptions de l’activité économique durant les confinements ont freiné les gains de productivité tendanciels.
Ces facteurs durables expliquent, en grande partie, mais pas exclusivement, la baisse de la productivité en France.
Les facteurs temporaires principaux de baisse de productivité
Dans certains secteurs, comme l’industrie et la construction, le maintien du personnel malgré une baisse de la demande a réduit l’efficience. Les confinements liés à la pandémie ont également eu des effets notables, perturbant les chaînes de production et obligeant de nombreuses entreprises à fonctionner en deçà de leur capacité optimale.
Ces phénomènes marquent un décalage par rapport aux évolutions historiques où la productivité augmentait régulièrement. Cela montre que, même en période de reprise économique, l’augmentation du nombre d’emplois ne suffit pas à maintenir des niveaux de productivité élevés, surtout lorsque ces emplois ne conduisent pas immédiatement à une création de valeur proportionnelle.
Défis de recrutement et d’accès aux compétences
Les difficultés de recrutement et la pénurie de compétences qualifiées dans l’industrie posent de sérieux défis à la productivité. Avec l’évolution rapide des technologies et l’augmentation des exigences en termes de qualification, les entreprises peinent à trouver des travailleurs dotés de compétences spécialisées. Cette tension sur le marché du travail peut se traduire par une baisse de productivité, car les entreprises sont contraintes soit de fonctionner avec des effectifs incomplets, soit d’engager du personnel moins qualifié.
Pour surmonter ces obstacles, les entreprises adoptent diverses stratégies. Elles investissent notamment dans la formation interne et l’apprentissage pour développer les compétences de leurs employés. Cela comprend des programmes de formation continue, des partenariats avec des institutions éducatives et la mise en place de systèmes de mentorat.
Projections à court et moyen terme
À court et moyen terme, les perspectives d’évolution de la productivité restent incertaines et dépendent de plusieurs facteurs clés. Parmi eux, les politiques économiques et la transition écologique jouent un rôle majeur. Les efforts pour verdir les procédés de production, parfois coûteux, peuvent, à terme, générer des gains de productivité. Toutefois, ces initiatives pourraient également stimuler l’innovation et conduire à des gains de productivité à long terme.
Les incertitudes économiques mondiales, telles que les fluctuations des prix de l’énergie et les impacts persistants de la pandémie, continueront d’influencer la trajectoire de la productivité. Une réponse bien calibrée aux défis actuels, combinant des politiques de soutien à l’emploi et des investissements dans l’innovation, sera essentielle pour renforcer la productivité future.
Les leviers d’amélioration de la productivité du travail
Pour renforcer la productivité du travail, plusieurs leviers peuvent être activés. En premier lieu, les investissements dans l’innovation et les nouvelles technologies sont essentiels. L’automatisation, l’intelligence artificielle et les technologies de l’information offrent des opportunités considérables pour optimiser les processus de production et accroître l’efficience.
Le développement des compétences et la formation jouent également un rôle fondamental. Les entreprises doivent être proactives dans l’amélioration des compétences de leur main-d’œuvre, en investissant dans des programmes de formation continue et en favorisant un apprentissage tout au long de la vie.
L’optimisation des processus de production et de gestion constitue un autre levier important. L’adoption de méthodes de gestion de la qualité, telles que le Lean Management, peut aider les entreprises à réduire les déchets et à améliorer l’efficacité opérationnelle.
Enfin, le management de transition peut être un outil efficace pour améliorer la performance des entreprises. Ce type de management implique l’intervention temporaire de dirigeants expérimentés pour mener des projets de transformation ou gérer une crise au sein de l’entreprise. Leur expertise peut accélérer les changements nécessaires pour améliorer la productivité.
Une approche globale pour la compétitivité et la croissance économique
La productivité du travail est un élément clé pour la compétitivité et la croissance économique. Les évolutions récentes en France montrent une baisse préoccupante de la productivité en raison de facteurs comme l’augmentation du nombre d’apprentis et les impacts de la pandémie. Les difficultés de recrutement et d’accès aux compétences spécialisées posent également des défis de taille.
Pour faire face à ces enjeux, il est indispensable de mettre en place des stratégies globales et équilibrées. Investir dans l’innovation, développer les compétences des employés et optimiser les processus de production sont des actions essentielles. Le management de transition peut également jouer un rôle déterminant dans l’amélioration de la productivité.
Une approche proactive et bien coordonnée sera nécessaire pour relever les défis actuels et futurs liés à la productivité du travail. Face aux incertitudes, une collaboration entre les secteurs public et privé sera indispensable pour mettre en œuvre des solutions à long terme et garantir une reprise soutenue de la productivité. Cela permettra non seulement de surmonter les obstacles actuels, mais aussi de préparer le terrain pour une économie plus résiliente et dynamique.
En fin de compte, les efforts concertés pour améliorer la productivité auront des bénéfices durables pour la compétitivité de la France sur la scène mondiale. Les gains en productivité ne se traduiront pas uniquement par une croissance économique, mais également par une amélioration du bien-être et de la qualité de vie des travailleurs.
Sources :
- Banque de France – Bulletin du 22 mars 2024 – « Comment expliquer les pertes de productivité observées en France depuis la période pré-Covid ? »
- Vie publique – 31 octobre 2023 – « Productivité en baisse : quelles en sont les causes ? »
- Le Point – 2 avril 2024 – « Le grand ‘trou noir’ de la productivité »
- Rapport du Conseil National de Productivité – Décembre 2023 – « Bilan des crises – Productivité, compétitivité et transition climatique »
- France Stratégies – Chiffres clés