En 2023, la dynamique M&A se poursuit mais les investisseurs devraient prioriser les secteurs les plus attractifs et prédictibles.
À l’occasion d’une table ronde « spécial M&A » animée par Le Magazine des Affaires, Lionel Gouget partageait son analyse des dernières tendances ainsi que ses prévisions pour 2023. Cette rencontre d’experts réunissait neuf spécialistes du M&A : Vincent Delmas (KPMG), Virginie Lazès (Rotschild & Co), Péter Harbula (Groupe InVivo), Erwan Colder (PwC), Faustine Viala (Willkie Farr & Gallagher LLP), Barabara Jouffa (Gowling), Stéphane Huten (Hogan Lovells), Aurélien Bettas-Régalin (Groupe Cegid) et Lionel Gouget (Valtus).
Marché du M&A : une année 2022 à deux vitesses
Très soutenue jusqu’en juillet 2022, l’activité M&A a connu un franc ralentissement au second semestre. Le pourcentage de deals abandonnés a ainsi quasiment doublé et les acheteurs ont bénéficié d’un pouvoir de négociation plus important. Lionel Gouget constate que 2022 a « également été portée par des sujets de structuration plus que de transformation ». Les entreprises ont notamment sollicité Valtus « pour des structurations de fonctions, des recentrages sur le core business, avec des carve out ou des reventes d’actifs non stratégiques ».
Complexification des deals M&A
Pour réaliser un deal, il faut désormais plus de temps (6 à 12 mois) et de travail. Les experts du M&A réunis lors de la table ronde notent un durcissement des exigences des autorités de la concurrence. Dans le même temps, la phase pre-deal s’allonge, avec une plus grande vigilance sur les risques et davantage de négociation de la part des acquéreurs.
Les cabinets de conseil ou de management de transition sont donc impliqués de plus en plus tôt. « Nous sommes sollicités sur des acquisitions ou cessions avec probablement plus de missions pre-deals », explique Lionel Gouget. « On nous intègre, en effet, de plus en plus en amont dans les réflexions (expertise sectorielle, “due dil” opérationnelles, définition de plans d’action, sécurisation de l’information…). Et nous intervenons évidemment toujours fortement sur les phases post deal (intégrations, structuration de l’information pour le nouvel actionnaire, mise en place des synergies…). »
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Recours croissant au management de transition
Depuis deux ou trois ans, le recours au management de transition est en plein boom. Après une année 2021 ponctuée de nombreux enjeux de transformation – « rattrapage post covid, adaptation des business models, réindustrialisation, nearshoring » -, 2022 a été « marquée par une pénurie de ressources », observe Lionel Gouget. Désormais, « le management de transition apparaît comme une solution souple et rapide pour sécuriser des postes clefs », conclut l’associé Valtus.
Depuis quelques mois, les entreprises souhaitent avant tout consolider l’existant. Elles recherchent un accompagnement « dans l’optimisation de leurs process opérationnels, dans la sécurisation de leurs approvisionnements, dans la réduction de leurs dépenses pour faire face à l’inflation et dans la mise en place de reporting très pointu pour passer ces périodes d’incertitude », précise Lionel Gouget. En revanche, les missions de restructuring sont restées rares en 2022 et il est pour lui encore difficile d’anticiper les tendances 2023 : « Aujourd’hui, nous avons quelques dossiers en retail, automobile… et nous commençons à voir des sujets de recherche de financements alternatifs, de renégociation de financement, d’ouverture de capital et de retournement opérationnel… mais cela reste encore relativement peu fréquent. »
Dans l’attente des reforecasts, des projections 2023 incertaines mais optimistes
Si les experts du M&A peinent encore à se projeter sur l’année 2023, ils s’accordent sur le caractère déterminant du premier trimestre. « On n’a pas encore vu les résultats annuels » explique Lionel Gouget. « Il est vrai que nous avons des “forecasts” mais pas les réels. Avec potentiellement des impacts à venir sur les notations ». Les effets des PGE sont encore là et l’associé, comme ses confrères, constate « une sorte d’attentisme », qui accroît les incertitudes. Pour lui, les entreprises tendent à agir trop tard : « Je suis parfois assez surpris par l’état des actifs qui arrivent et dans lesquels il n’y a plus assez de cash ou de temps pour retrouver des marges de manœuvre. »
Cette année, Lionel Gouget s’attend à ce que les entreprises optent pour le management de transition dans le cadre « d’opérations de refinancement, levée de fonds, carve out, m&A (y compris distressed) », avec « probablement les premiers dossiers de retournement et de gestion de crise (en espérant qu’on soit le plus possible en prévention) ». Selon l’associé, certaines problématiques déjà présentes en 2022 perdureront voire pourraient s’accentuer :
« Avec toujours des aspects de pénurie de talents qui vont pousser les entreprises à s’adapter pour sécuriser / trouver les talents dans des cycles très incertains et nécessitant des “marins aguerris” (stratégies RH, qvt, comp&ben, structuration de “man pack” et d’actionnariat salarié, recours plus important au management de transition…). »
Le spectre d’intervention dans le M&A devrait se rétracter, pour se concentrer sur les secteurs les plus prévisibles, avec une profitabilité avérée: santé, tech, infrastructure, énergie, éducation… Malgré ce « recentrage », de nombreux deals devraient pouvoir aboutir. Lionel Gouget partage cet optimisme : « Nous allons rester sur une bonne dynamique sur le marché de la transition en 2023. On va avoir, je pense, encore beaucoup de sollicitations sur la partie intégration / consolidation / structuration y compris dans la partie scale up, venture. »
> Découvrez l’intégralité de la table ronde M&A sur le site de Le Magazine des Affaires