LA RÉSILIENCE EN ENTREPRISE : PUISSANT LEVIER DES TALENTS ?

16 Nov 2022

« La résilience, c’est l’aptitude d’un corps à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale. En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité. » Ainsi vulgarisé par Boris Cyrulnik à la fin des années 1990, le concept de résilience est aujourd’hui utilisé dans un grand nombre de domaines : écologie, informatique, politique, enseignement…

En entreprise, il trouve également sa place à plusieurs niveaux. Jusqu’à s’inviter comme mode de management (le management résilient) pour accompagner le changement. De l’origine de la résilience aux impacts qu’elle engendre, cet article s’intéresse à la résilience en tant que levier des talents en entreprise.

Petite histoire et définition de la résilience en entreprise

Un concept qui remonte au 17e siècle

Si l’œuvre de Boris Cyrulnik a permis d’étendre la notion de résilience au-delà de son acception d’origine, il n’en est pas l’inventeur. Le concept remonte en effet au travail d’Emmy Werner, psychologue américaine, vers 1950. Elle définissait alors la résilience, dont l’étymologie est re-salire (ressaut, résilier), comme un « processus biologique, psychoaffectif, social et culturel qui permet un nouveau développement après un traumatisme psychique ». C’est néanmoins en 1626 que le terme fut utilisé pour la première fois, par le philosophe Francis Bacon. En anglais, “resilience” prend le sens de “rebondir” ou “se redresser”.

Définir la résilience en entreprise aujourd’hui

S’il fallait résumer la résilience de manière très simple, il serait possible de parler d’une force d’esprit qui permet de se remettre de l’adversité. La résilience permet en effet à l’individu de trouver l’espoir et le courage de continuer. Et ce, même lorsqu’il est confronté à des circonstances difficiles ou négatives. C’est ainsi sur un ensemble de compétences qu’est fondée la résilience. À savoir l’état d’esprit et les traits de caractère sur lesquels il s’appuie pour faire face à de nouvelles expériences changeantes, au travail comme dans la sphère privée.

Tournons-nous désormais vers les travaux de Susan Kobasas, psychologue américaine de renom, pour connaître les trois éléments clés de la résilience.

Le défi

Les personnes considérées comme résilientes voient le stress comme un défi qu’elles peuvent surmonter. À condition qu’elles le comprennent correctement. Elles font, de la gestion du stress, une habitude de vie. Elles s’y attaquent de manière positive. En somme, cette approche contraste avec celles et ceux qui voient le stress comme un frein, une force écrasante et paralysante.

Le contrôle de soi

Dans un groupe, les personnes résilientes ont tendance à accepter les défis. Et elles travaillent pour les surmonter et les maîtriser. Même si la maîtrise totale n’est pas envisageable, ces personnes s’efforcent de trouver des solutions pour avancer. Confronté à la perte d’un emploi, un individu dit « résilient » saura saisir les occasions qui se présentent à lui. Il explorera de nouvelles opportunités d’emploi, plutôt que de se laisser aller vers une déprime et un moral au plus bas.

L’engagement

Si les personnes résilientes restent dans le jeu et persistent dans leur effort d’adaptation, c’est en partie parce que, dans un groupe, elles s’engagent à adopter une attitude active et engagée. Puisqu’elles sentent que leur existence a un but, quelle que soit la forme de ce dernier. C’est cela même qui les motive à vouloir influencer positivement leur environnement. Les personnes résilientes consacrent ainsi leur énergie, leur temps et leurs efforts aux activités à impact, tout en se sentant responsabilisées et confiantes.

Quelle est la place de la résilience en entreprise ?

Dans le monde de l’entreprise, la résilience est aujourd’hui une compétence majeure. N’est-ce d’ailleurs pas celle qui distingue les professionnels appelés par les dirigeants pour gérer une crise ou une transformation, comme les acteurs du management de transition ? L’importance de la résilience se traduit en définitive de plusieurs manières.

Dompter l’incertitude

Selon Nathan Furr, il faut composer avec l’incertitude, plutôt que vouloir la contrôler ou l’éviter. Pour ce professeur de stratégie à l’Insead, l’incertitude fait jaillir des « possibilités inhabituelles », s’appuyant sur des outils dont sont naturellement dotées certaines personnes. Par exemple, des compétences d’ordre cognitif permettent de se préparer à une crise, au même titre que la résilience, la capacité à adopter un nouveau regard pour appréhender les événements. Pour Nathan Furr, la résilience engage les personnes à élargir leur vision lorsqu’elles font face à l’incertitude. Il s’agit de ne pas rester concentrées sur leur situation actuelle. Elles sont donc plus à même de trouver une solution et d’atteindre ainsi un résultat optimal.

S’entraîner plutôt que planifier

La crise de la Covid-19 a mis en évidence que les plans mis en œuvre par la plupart des entreprises pour poursuivre leurs opérations se sont révélés insuffisants. En parallèle, les organisations qui ont pris l’habitude de faire face à des situations de crise identiques, par exemple les groupes ayant des unités de production en Asie, ont su mobiliser leurs moyens très rapidement et trouver des solutions. C’est ce que constate Thomas Reverdy, de l’Institut polytechnique de Grenoble. Le sociologue des organisations affirme que l’entraînement est l’une des clés de la résistance, plus puissante que la planification de crise. Apprendre à prioriser les actions et à improviser en comptant sur les compétences de chacun peut ainsi générer une forme de résilience pour une équipe, voire une entreprise.

Diversifier les talents

Rencontrés par Ernst & Young dans le cadre d’une étude sur les enjeux liés à la diversité, Mary Lee et Emmanuel Imah d’Upwardly Global évoquent la résilience en entreprise. Ces représentants de l’organisation américaine à but non lucratif, qui soutient les professionnels immigrés et réfugiés pour reconstruire leur carrière aux États-Unis, incluent la résilience comme l’un des principaux bénéfices pour celles qui diversifient leurs talents.

La diversité contribue à la résilience d’une équipe ou d’une entreprise. Elle fait, en effet, appel à des personnes qui envisagent les problèmes et les projets sous des angles différents, en fonction de leur profil, leur culture et leur expérience personnelle.

Renforcer le lien social

Pour Habiba Nasraoui Ben Mrad, assistante ESC Tunis, Université de la Manouba, le lien social de confiance revêt un aspect vital pour assurer la pérennité d’une organisation. « Au-delà des rapports économiques, s’organisant dans un cadre, auquel se soumet l’ordre social, le lien social évolue. Sous l’effet de la crise pandémique, vers des repères de l’économie traditionnelle, vers un lien humain, seul, à pouvoir se préserver des chocs et conserver son intégrité. »

Accorder une place aux émotions

Mécanismes naturels du cerveau, les émotions apportent parfois la réponse adéquate à une situation problématique, en entreprise comme dans le domaine privé. Au cœur du management résilient, les compétences émotionnelles sont essentielles à plusieurs niveaux. Pour inspirer et pour décider, nos émotions peuvent effectivement éclairer notre jugement. Elles enrichissent notre communication et ainsi affinent notre processus de décision.

En outre, le développement des compétences émotionnelles en entreprise est salutaire en matière de prévention des risques auxquels certaines personnes sont exposées, notamment le burnout. À ce titre, il fait partie des priorités du management résilient. Il constitue une source de performance pour l’entreprise.

Le management résilient

L’importance de la résilience organisationnelle n’est plus à démontrer. L’expérience de la crise de la Covid-19 a bousculé les représentations. Elle a montré que, pour rester compétitives et réagir au changement, les entreprises se doivent de compter sur leur propre résilience, donc sur celles de leurs équipes.

Un « management résilient » se montre capable de faire face aux changements importants d’une équipe. Son rôle est de surmonter des crises de sens et/ou d’engagement résultant de ces situations. Comme l’indique d’ailleurs Agnès Muir-Poulle, professeur à Grenoble École de Management : « Le manager résilient sait se projeter dans le futur en dépit du stress d’une adversité. Il sait maintenir une confiance et réguler ses émotions et celles des autres face à une crise majeure et surtout, une crise qui dure« .

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