Ce n’est pas vraiment nouveau : le travail des seniors fait couler beaucoup d’encre. En effet, il anime les esprits du côté des intéressés comme de celui des entreprises, des pouvoirs publics et des partenaires sociaux.
Bien plus qu’un nouvel article sur le thème de l’emploi des plus de 55 ans en France, Valtus dresse un état des lieux. Elle fait le point sur un sujet d’actualité dont la particularité est de rassembler autant qu’il peut diviser, et de réjouir autant qu’il peut décevoir.
Senior : une définition floue
Le terme « senior » prête en effet à confusion. Et pour cause ! Dans le monde de l’entreprise, il évoque d’abord un niveau d’expérience (par exemple « technicien senior », par opposition à « junior » ou « confirmé »). Dans le cadre d’un recrutement, ce nom indiquera donc le nombre d’années d’expérience souhaité pour un poste (généralement plus de 10).
Ce qualificatif revêt une autre dimension lorsqu’il est utilisé pour désigner une partie de la population active. De surcroît, la Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) regroupe les seniors, dans la tranche d’âge des 55-64 ans. Il en est de même pour les statistiques européennes et l’Insee.
Enfin, certains organismes comme l’Apec et Pôle Emploi considèrent l’âge de 55 ans comme étant le seuil à partir duquel une personne en activité peut être qualifiée de « senior ».
Il arrive effectivement que le travail des seniors soit un sujet qui fâche. Dans certains domaines, chez les silver entrepreneurs par exemple, le statut de senior est atteint à 45 ans. Non exclusivement réservé aux quadras qui se lancent dans l’entrepreneuriat, le sujet de l’âge et de l’emploi en entreprise attise les esprits, à l’image d’un article publié dans Le Monde, intitulé « Senior à 45 ans ? C’est fou ! ».
Pas de consensus par l’âge : alors, que dit la loi ?
Pour les instances gouvernementales, les mesures seniors diffèrent selon les plans et les époques. Elles concernent tantôt les personnes âgées de plus de 45 ans (aide de l’État pour l’embauche d’un senior en contrat de professionnalisation), tantôt les salariés de plus de 57 ans (CDD senior). Pour ne citer que deux exemples d’actualité.
L’étymologie du terme « senior » signifie « plus âgé » que les autres. Il n’en reste pas moins que rien n’est pas gravé dans la loi française. De ce fait, il ne peut pas y avoir de consensus quant aux critères d’entrée dans la catégorie des seniors. Sans définition officielle du terme « senior », nous accepterons qu’en matière d’emploi, cette notion est intimement liée à l’âge.
Portrait du travail des seniors en France
Qu’il fédère ou qu’il divise, le travail des seniors en France est une réalité. En effet, le taux d’emploi des 55 ans et plus est en augmentation. Cependant, il demeure faible par rapport à nos voisins européens, particulièrement chez les plus de 60 ans. C’est d’ailleurs dans cette tranche d’âge que se trouvent la plupart des chômeurs de longue durée.
On observe, toujours sur la base de l’étude menée par la Dares, sur le marché du travail des plus de 55 ans, des freins liés à la demande et à l’offre d’emploi. En perte d’employabilité au fur et à mesure qu’ils avancent en âge, les seniors sont également moins formés en fin de carrière. Cet état de fait limite d’emblée leur adéquation aux offres disponibles. Les salaires proposés par les entreprises, lorsqu’ils sont calculés sur la base d’une grille salariale, sont par ailleurs considérés comme un frein à la demande d’emploi de la part des actifs plus âgés.
L’offre d’emploi, quant à elle, participe aussi à la faiblesse du niveau d’activité des seniors en France en comparaison aux autres pays européens. Entre règles d’indemnisation chômage et limite des incitations financières en fin de carrière, les mesures qui influent sur le niveau d’activité des seniors en France sont nombreuses. À cela s’ajoutent les conditions de travail, parfois inadaptées aux salariés vieillissants. Ainsi, dans la réalité comme dans l’esprit des intéressés, elles n’encouragent guère les plus de 55 ans à rester en activité ou à se lancer dans un nouvel emploi.
Les dispositifs de retour et de maintien à l’emploi des seniors en France
Pour comprendre l’écart entre la France et les autres pays européens, il faut remonter aux politiques de l’emploi menées en France à partir des années 1970. Durant une trentaine d’années, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux ont cherché à favoriser l’emploi des tranches d’âge inférieures aux 55-64 ans. L’âge de la retraite a été baissé à 60 ans et les dispositifs de départ à la retraite anticipée ont considérablement fait baisser le taux d’emploi des seniors.
En 1990, le constat d’une population vieillissante, le poids du financement des retraites et l’objectif de l’Union européenne d’atteindre un taux d’emploi de 50% chez les 55-64 ans a bouleversé la donne. En France, le maintien et le retour à l’emploi des seniors sont aujourd’hui une priorité du gouvernement.
Accélératrices d’un changement de paradigme, les réformes des retraites de 1993, 2003, 2010 et 2014 ont permis d’augmenter significativement le taux d’emploi des seniors entre 2007 et 2017. En parallèle, le taux de chômage de cette même catégorie d’actifs a augmenté rapidement, au même titre que les emplois à temps partiel et les CDD.
En tout état de cause, et le sujet tel qu’il est traité dans les médias le confirme : l’emploi des seniors est une priorité dans notre pays. L’État, les Régions, les partenaires sociaux : tous mettent la main à la pâte pour favoriser et valoriser le travail des seniors, améliorer les conditions de travail, encourager les intéressés à se former et prolonger leur activité au-delà de l’âge légal de départ à la retraite.
Le travail des seniors : Que disent les entreprises ? Que pensent les seniors ?
Un travailleur senior est-il un atout ou un handicap pour l’entreprise ? Il faut savoir que, sur le marché du travail, l’âge est considéré comme l’un des premiers motifs de discrimination ressentis par les salariés. C’est en tout cas ce qu’indique le baromètre réalisé par le Défenseur des droits de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Source de préjugés de la part des employeurs comme des candidats et des salariés, l’âge est mis en parallèle de freins à l’embauche des seniors. Parmi ceux-ci, figurent notamment :
- le coût,
- la difficulté à être managé.e,
- la résistance au changement,
- le surdimensionnement par rapport au poste,
- l’inadaptation aux nouvelles technologies.
Le même baromètre indique que plus de 7 seniors sur 10 interrogés sont prêts à revoir leur niveau de rémunération à la baisse. Tandis que plus de 9 sur 10 sont prêts à changer de fonction pour rester en emploi.
Cette vision plus positive de l’emploi des seniors met en avant certains avantages pour les entreprises, dont :
- le niveau d’expérience,
- l’autonomie, l’expertise,
- la capacité de recul,
- l’envie de transmettre.
Le management de transition : Une solution pour les seniors ?
Comme évoqué précédemment, l’âge est un facteur de discrimination ressenti par les cadres seniors. Selon une étude menée par l’Apec et Pôle Emploi (Les cadres seniors ; pratiques et difficultés de recherche d’emploi), 89% des intéressés considèrent en effet leur âge comme un facteur discriminant.
Bien évidemment, les cadres seniors ont recours à des solutions qui consistent à valoriser leur âge, qui rime avec expérience, savoir-être et autres compétences acquises avec le temps. C’est notamment le cas d’un profil dans un secteur particulier : celui du management de transition. Chez Valtus, les managers de transition sont âgés de 54 ans en moyenne. Ils conjuguent séniorité et expériences multiples. Deux qualités qui sont d’ailleurs très appréciées par les entreprises dans lesquelles ils interviennent.
En définitive, le travail des seniors interpelle. Il questionne. Il rassemble et divise. Dans tous les cas, il ne laisse pas tout à fait indifférent, ni du côté des employeurs, ni du côté des quinquas en âge d’être affublés d’un qualificatif parfois lourd à porter. Le sujet est un enjeu. Il est également une opportunité pour les individus qui savent se saisir de leurs atouts et les faire valoir au bon moment et au bon endroit. Outre les incitations gouvernementales et les quotas à respecter, il est essentiel que les 55-64 ans (re)trouvent finalement leur place dans une économie qui a, aujourd’hui plus que jamais, besoin d’expérience, d’expertise et de compétences managériales fortes pour avancer.